Le Livraire

Carnet de lecture

L’A26 – Pascal Garnier

Zulma
ISBN : 978-2-843044755

Quatrième de couverture :
D’abord, il y a Yolande, tondue à la Libération, qui depuis ne sort plus de chez elle, regarde à travers le trou de la serrure. Et puis il y a son frère Bernard, ancien de la SNCF, qui a sacrifié sa vie pour elle. Qui se débat entre sa sœur et un un sale cancer.
Cela se passe dans le Nord, au milieu de sombres champs de boue, non loin de l’A 26 encore en construction. Ce qui permet à Bernard de couler dans le béton quelques jeunes filles égarées…

Mon avis :
La lecture de cet ouvrage est le résultat hybride entre une discussion au Salon du Livre avec l’un des membres de l’équipe de Zulma (Laure, si ma mémoire est bonne ; si elle ne l’est pas, mea maxima culpa) et des collègues à l’instinct très sûr en ce qui concerne « le bon livre pour la bonne personne au bon moment ». Effectivement, c’est glauque, très glauque. Effectivement, c’est bien, très bien. Par contre, autant prévenir tout de suite, âmes sensibles, lecteurs sanglotant devant du Olivier Adam, passez votre chemin, parce que si Des vents contraires vous remue l’âme, vous risqueriez de ne pas pouvoir finir L’A26. Il est vrai que ca n’est ni le même cadre, ni la même ambiance, ni la même écriture. Ici, les phrases percutent, écorchent. Gênent.

Car c’est là tout l’intérêt, tout le paradoxe, toute la monstruosité de ce texte où l’on est partagé entre une répugnance naturelle, un rejet viscéral et une curiosité morbide, malsaine qu’il faut assumer. On se compare, on se félicite intérieurement de ne pas être comme eux, on a ce petit rictus de dégout qui cède vite la place à une commisération modérée, savoir s’il nous faut ou non juger les personnages. On est dégouté et pourtant, le personnage qui regarde de l’autre côté du « Trou du cul du monde » comme l’appelle Yolande, c’est nous. Et quand le livre est refermé, et qu’il faut en dire ce que l’on en pense, c’est tout le politiquement correcte de l’époque, du monde actuel qui retombe : qu’en penser ? Des humains monstrueux, à peine au-dessus des animaux, des gens à enfermer ou qu’il faudrait enfermer ? Des gens simples qui n’ont pas eu de chance et qu’il faudrait plaindre plutôt que de les blâmer, tout en se souvenant que c’est de la fiction ? Mais comment se dire, au final, que ca n’est que de la fiction, tellement le ton est naturel, l’action fluide et la réalité criante ?

C’est là que réside toute la force de L’A26, récit qui force le lecteur à se regarder, à se dégoûter lui-même, à se sentir gêné, ne sachant pas ce qu’il peut ou doit en dire. Ne sachant pas vraiment de quel côté se positionner, comme s’il fallait absolument en choisir un. Par ce dernier côté, il n’est pas sans m’évoquer Lolita de Nabokov et comme lui, ce livre secoue, interpelle, fait réfléchir et se présente comme une lorgnette destinée à observer une galaxie lointaine ; ce qui est dans le fond, une  des définitions (parmi des milliers) de la littérature.

Lire la biographie de Pascal Garnier sur le site de Zulma

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