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La tour noire – W.B Yeats

La tour noire est le dernier poème que Yeats ait écrit avant de mourir, le 28 janvier 1939.

Dites que les hommes de la vieille tour noire,
Bien qu’ils aient seulement à manger ce qu’un chevrier mange,
Que leur argent soit dépensé, leur vin devenu aigre,
Ont tout ce qui suffit à un soldat,
Que tous ils sont liés par leur serment :
Ces étendards n’entreront pas.

Là-bas dans la tombe les morts très droits se dressent,
Mais les vents montent du rivage :
Ils tremblent quand les vents grondent,
De vieux ossements sur la montagne tremblent.

Ils viennent nous corrompre ou nous intimider,
Ou encore murmurer qu’un homme n’est qu’un niais
S’il se soucie, alors que son roi légitime est oublié,
De savoir quel nouveau roi a repris son autorité.
S’il est mort depuis longtemps,
Pourquoi nous redoutez-vous tant ?

Là-bas dans la tombe filtre un pâle rayon de lune,
Mais le vent monte du rivage :
Ils tremblent quand les vents se mettent à gronder,
De vieux ossements sur la montagne tremblent.

Le vieux cuisinier de la tour qui doit monter, grimper
Pour attraper les moineaux dans la rosée du matin,
Quand nous sommes étendus dans le sommeil, nous hommes vigoureux,
Jure qu’il entend sonner le grand cor du roi.
Mais c’est un fieffé menteur :
Montons la garde, compagnons de même serment !

Là-bas dans la tombe l’obscurité se fait plus noire,
Mais le vent monte du rivage :
Ils tremblent quand les vents se mettent à gronder,
De vieux ossements sur la montagne tremblent.

21 janvier 1939

William Butler Yeats, Derniers poèmes, Verdier, traduction Jean-Yves Masson

* * *

Say that the men of the old black tower,
Though they but feed as the goatherd feeds,
Their money spent, their wine gone sour,
Lack nothing that a soldier needs,
That all are oath-bound men:
Those banners come not in.

There in the tomb stand the dead upright,
But winds come up from the shore:
They shake when the winds roar,
Old bones upon the mountain shake.

Those banners come to bribe or threaten,
Or whisper that a man’s a fool
Who, when his own right king’s forgotten,
Cares what king sets up his rule.
If he died long ago
Why do you dread us so?

There in the tomb drops the faint moonlight,
But wind comes up from the shore:
They shake when the winds roar,
Old bones upon the mountain shake.

The tower’s old cook that must climb and clamber
Catching small birds in the dew of the morn
When we hale men lie stretched in slumber
Swears that he hears the king’s great horn.
But he’s a lying hound:
Stand we on guard oath-bound!

There in the tomb the dark grows blacker,
But wind comes up from the shore:
They shake when the winds roar,
Old bones upon the mountain shake.

Ce regard en arrière – Nuala O’Faolain

Sabine Wespieser
Traduit de l’anglais (Irlande) par Dominique Goy-Blanquet
Titre original : A More Complex Truth : Selected Writing
ISBN : 978-2-84805-093-5

Quatrième de couverture :
Alors que le public irlandais garde vive la mémoire des chroniques, des articles et des émissions de la grande journaliste que fut aussi Nuala O’Faolain, les lecteurs français ne connaissent  » que  » ses romans et ses mémoires.
Dans la sélection des soixante-dix textes publiée aujourd’hui, englobant plus de vingt années de carrière – de 1986 à 2008 -, se retrouvent tout entiers l’intelligence pointue, la sensibilité, la faculté d’empathie et le talent d’observation de la grande dame irlandaise disparue. Traitant des sujets les plus divers – le statut des femmes dans la société, le processus de paix en Irlande, le boom économique, l’omniprésence de l’Eglise catholique, les effets du 11 Septembre à New York et dans le monde, les concerts de U2, l’importance de Sinatra ou la mort de sa chienne Molly, Nuala O’Faolain ne baisse jamais la garde : elle ne cesse de dénoncer, avec la précision teintée d’ironie qui lui était propre, les mécanismes intimes du pouvoir et de l’impuissance.
Ceux qui ont lu ses romans auront l’émouvant sentiment de la retrouver telle qu’en elle-même dans sa lucidité et sa tendresse pour le monde. Ils découvriront l’étendue des centres d’intérêt et la richesse de la palette narrative de celle qui contribua grandement au combat féministe en Irlande et fut une grande conscience de son époque.

Mon avis :

Couverture de l'édition anglaise

Recueil des nombreuses chroniques que Nuala O’Faolain publia entre 1986 et 2007, quelques mois avant sa mort, en mai 2008, Ce regard en arrière présente un intérêt variable, suivant les sujets abordés et les périodes.

À travers la palette des nombreuses chroniques constituant ce recueil, ce sont différents aspects de la vie irlandaise que nous découvrons : des sujets de sociétés en passant par la politique, l’économie, la vie sociale encore les coutumes actuelles de l’Irlande moderne. La répartition des tâches ménagères, la condition des femmes – sujet largement développé sous différents angles, des plus quotidiens aux plus sordides –, les Travellers (population nomade d’Irlande), le défilé de la Saint-Patrick ou encore la construction effrénée dont sont victimes certains endroits, autant d’approches comportant un point de vue interne sur un pays dont la vision fantasmée qu’en ont beaucoup de gens fausse la réalité.

L’Irlande est un pays qui ne peut se définir uniquement et simplement par sa musique, ses légendes, ses écrivains et ses paysages. Pas plus qu’elle ne peut se réduire au conflit nord-irlandais, parfois maladroitement réduit à une question religieuse ou territoriale, ni même à ses scandales récents au sujet de la pédophilie. Là-dessus, Ce regard en arrière, offre une perspective intelligente, remettant sur le devant de la scène certains événements pratiquement inconnus du public français, à moins qu’il n’ait déjà un intérêt particulier pour ce pays, et surtout, comportant une contextualisation, évitant ainsi certains écueils et dans une certaine mesure, obligeant le lecteur à aller chercher en amont des informations complémentaires. (Ceci étant, certains lièvres soulevés demandent quelques éclaircissements, au moins par curiosité).
Quelques entrefilets, aussi bref soient-t-ils, ont de quoi frapper durablement :

« Ceux de la vieille école véritable, du temps où les Irlandaises se faisaient arracher toutes les dents avant le mariage pour garantir à leur promis qu’elles ne lui coûteraient pas un sous » […] in Les Dents, p. 249

On peut simplement regretter que l’ensemble soit, malgré quelques noyaux extrêmement instructifs et intéressants, assez inégal. Certaines réflexions sont très constructives, d’autres possèdent malheureusement une tendance mielleuse rapidement agaçante quand elle est distillée avec plus ou moins de bonheur sur une série de sujet soit convenus, soit totalement dispensables. À lire, sans doute, mais en triant certainement.

Gens de Dublin

Petite capitale (un peu plus de 500 000 habitants à l’heure actuelle), Dublin a compté parmi ses habitants un nombre impressionnant d’écrivains. Citons entre autres Jonathan Swift, Bram Stocker, Thomas More (un homonyme de l’auteur de L’Utopie), William Butler Yeats, Samuel Beckett, Seamus Heaney, Sheridan Le Fanu, Georges Bernard Shaw, Nuala O’Faolain, Oscar Wilde, James Joyce…

Parmi les nombreuses statues de la ville, en voici deux, avec les charmants surnoms dont les ont affublés les dublinois.

La statue d’Oscar Wilde, à Merrion Square (où il habitait, au numéro 1). Surnommé the fag on the crag (le pédé sur le rocher).

Statue de James Joyce sur Earl Street, alias the prick with the stick (le couillon à la canne, sachant que stick est un terme à double sens, je vous laisse l’imaginer.)

photos personnelles prise à Dublin, Avril 2009, ne pas reproduire sans autorisation, merci

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Yeats, du poète romantique à la vieillesse anti-platonicienne (I/II)

En guise d’introduction, une seule petite précision. Le but de cet article n’est pas de présenter de manière exhaustive l’œuvre de Yeats et son évolution, mais simplement d’en faire partager les grandes lignes et de mettre en avant quelques textes que j’apprécie particulièrement et qui m’ont semblé représentatif. Le texte original est très difficilement traduisible en français, c’est pourquoi j’ai choisi de reproduire également le texte original. Il existe un certain nombre de traductions de Yeats en français et les différents traducteurs ont chacun un stylet et parti pris de traduction différents. Quand je disposai de plusieurs traductions pour un même texte, j’ai choisi celui qui me paraissait le plus harmonieux, le plus à même de rendre en français la musicalité et la beauté du texte anglais. – Il est possible que cet article soit modifié dans l’avenir, au fur et à mesure des différentes traductions rencontrées.  –

Yeats n’est pas un poète très connu en France, pour des raisons que j’ignore. Peut-être est-il un peu trop fantasque pour un pays aussi cartésien que la France ? Peut-être les subtilités de ses textes dont il est quasiment impossible de retranscrire la beauté sans la dénaturer ? Peut-être le nationalisme intellectuel dont nous faisons preuve, surtout en matière de poésie ? J’ai toujours la sensation que, dans la majorité des cas, la poésie se cantonne à quelques noms très connu et dont l’école porte religieusement la mémoire : Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire, Aragon, Eluard. Peut-être l’intérêt de Yeats pour le mouvement des chemises bleues de O’Duffy à la fin de sa vie contribue à ce qui semble être un oubli volontaire ?

Le premier numéro de Livre Hebdo de l’année 2009 présentait une petite nécrologie anniversaire. Pour les 25 ans, on trouvait, entre autre, Marvin Gaye (?). Pour les 70 ans, Sigmund Freud, mais de Yeats, aucune mention. Passé sous silence, le prix Nobel de littérature de 1923, mais mentionné, le musicien. Le tout entre les pages d’une revue spécialisée dans le domaine du livre et de l’édition, il y a des questions qui se posent. Peut-être la vérité est-elle est au croisement de toutes les raisons évoquées ci-dessus.

Il y a soixante-dix ans, le 28 janvier 1939, mourait dans le sud de la France, au Cap-Martin très précisément, l’écrivain et poète William Butler Yeats. Son œuvre évolue assez radicalement tout au long de sa vie, et s’il est surtout connu et étiqueté comme étant un poète romantique -ce qui est surtout vrai pour ses œuvres de jeunesse-, il se tourne davantage vers le réel à la fin de sa vie. Tout au long de celle-ci, il manifeste une certaine révolte contre la conception religieuse et platonicienne qui séparent l’esprit et le corps, ce dernier étant jugé impure. Pour Yeats (qui est né dans une famille protestante), le corps et l’esprit ne sont pas séparables, le spirituel et le charnel ne sont pas dissociables.

Ce qui semble logique aux yeux des lecteurs d’aujourd’hui ne l’était pas dans l’Irlande des années 30. Sans faire de notice historique, ce qui risquerait d’être relativement ennuyeux, il convient de garder à l’esprit quelques notions qui en disent long en matière de sexualité et de liberté.

– L’homosexualité a cessé d’être réprimée par la loi en 1993 (1810 pour la France). .
– La dernière maison des sœurs de Marie-Madeleine dans laquelle on enfermait les femmes qualifiées de « perdues » (les fameux couvents du film Magdalene Sisters) a fermée en 1996.
– Le divorce est autorisé depuis 1995, après un référendum dans lequel le oui l’a emporté de justesse (50,3 % des électeurs) après le référendum de 1986 dans lequel le non avait été majoritaire. (la légalisation du divorce par consentement mutuel date de 1975 mais la possibilité de divorcer existe depuis la fin du XIXème siècle.)
– L’avortement est toujours interdit en Irlande (légalisé en France depuis 1975).

Ces dates sont bien sûres données à titres d’informations. Il est évident que réduire les mentalités et les mœurs d’une époque et d’un pays à quelques articles de loi est extrêmement réducteur, mais cela donne néanmoins un ordre d’idée.

***

La Croisée des Chemins (1889)

Au bas des jardins de saules (traduction Yves Bonnefoy)

Au bas des jardins de saules je t’ai rencontrée, mon amour,
Tu passais les jardins de saules d’un pied qui est comme neige.
Tu me dis de prendre l’amour simplement, ainsi que poussent les feuilles,
Mais moi j’étais jeune et fou et n’ai pas voulu te comprendre.

Dans un champ près de la rivière nous nous sommes tenus, mon amour,
Et sur mon épaule penchée tu posas ta main qui est comme neige.
Tu me dis de prendre la vie simplement, comme l’herbe pousse sur la levée,
Mais moi j’étais jeune et fou et depuis lors je te pleure.

Down By The Salley Gardens

Down by the salley gardens my love and I did meet;
She passed the salley gardens with little snow-white feet.
She bid me take love easy, as the leaves grow on the tree;
But I, being young and foolish, with her would not agree.

In a field by the river my love and I did stand,
And on my leaning shoulder she laid her snow-white hand.
She bid me take life easy, as the grass grows on the weirs;
But I was young and foolish, and now am full of tears.

***

Le vent dans les roseaux (1899)

(traduction Jacqueline Genet)

Il voudrait avoir les voiles du ciel

Si j’avais les voiles brodés des cieux
Ouvrés de lumières d’or et d’argent
Les voiles bleus, diaphanes et sombres
De la nuit, de la lumière et de la pénombre
J’étendrais ces voiles sous tes pieds :
Mais je suis pauvre et je n’ai que mes rêves ;
J’ai étendu mes rêves sous tes pieds ;
Marche doucement car tu marches sur mes rêves.

He wishes for the Cloths of Heaven

Had I the heaven’s embroidered cloths,
Enwrought with golden and silver light,
The blue and the dim and the dark cloths
Of night and light and the half-light,
I would spread the cloths under your feet:
But I, being poor, have only my dreams
I have spread my dreams under your feet;
Tread softly because you tread on my dreams.

***

L’appel des Sidhe

La cohorte chevauche du Knocknarea
A la tombe de Clooth-na-Bare,
Caoilte secouant sa chevelure de flammes,
Et Niamh appelant : Là-bas, viens t’en là-bas,
Vide ton cœur de son rêve mortel.
Les vents s’éveillent, les feuilles tournoient,
Nos joues sont pâles, notre chevelure dénouée,
Notre poitrine palpite, nos yeux rayonnent,
Nos bras appellent, nos lèvres s’entrouvrent ;
Et s’il en est un qui contemple notre troupe impétueuse,
Nous nous plaçons entre lui et l’acte de sa main,
Nous nous plaçons entre lui et l’espoir de son cœur.
La cohorte se précipite entre la nuit et le jour,
Et où y a-t-il espoir ou acte aussi beau ?
Caoilte secouant sa chevelure de flammes
Et Niamh appelant : Là-bas, viens t’en là-bas.

The Hosting Of The Sidhe

The host is riding from Knocknarea
And over the grave of Clooth-na-Bare;
Caoilte tossing his burning hair,
And Niamh calling Away, come away:
Empty your heart of its mortal dream.
The winds awaken, the leaves whirl round,
Our cheeks are pale, our hair is unbound,
Our breasts are heaving, our eyes are agleam,
Our arms are waving, our lips are apart;
And if any gaze on our rushing band,
We come between him and the deed of his hand,
We come between him and the hope of his heart.
The host is rushing ‘twixt night and day,
And where is there hope or deed as fair?
Caoilte tossing his burning hair,
And Niamh calling Away, come away.

***

Les cygnes sauvages à Coole (1917)

(traduction Jean-Yves Masson)

L’Os de lièvre

Je voudrais pouvoir lancer un navire sur les eaux
Sur lesquelles plus d’un roi s’en est allé
Et plus d’une fille de roi,
Et aborder près des arbres magnifiques et de la pelouse
Là où l’on joue du pipeau, où l’on danse,
Et apprendre que le meilleur
Est de changer d’amour avec chaque nouvelle danse
Et de rendre baiser pour baiser.
Je voudrais trouver au bord de ces eaux
Un os de lièvre plat et mince
Rendu plus mince encore par le va-et-vient des eaux,
Et le percer avec une vrille pour regarder au travers
Le vieux monde amer où l’on se marie dans les églises,
Et me moquer par-dessus les eaux limpides
De tous ceux qui se marient dans les églises,
A travers un os de lièvre mince et blanc.

The collar-bone of a hare

Would I could cast a sail on the water
Where many a king has gone
And many a king’s daughter,
And alight at the comely trees and the lawn,
The playing upon pipes and the dancing,
And learn that the best thing is
To change my loves while dancing
And pay but a kiss for a kiss.


I would fine by the edge of that water
The collar-bone of a hare
Worn thin by the lapping of a water,
And pierce it through with a gimlet and stare
At the old bitter world where they marry in churches,
And laugh over the untroubled water
At all who marry in churches,
Through the white thin bone of a hare.

***

Michael Robartes et la danseuse (1921)

(traduction Jean-Yves Masson)

Une méditation en temps de guerre

D’un seul élancement dans mes artères
Comme j’étais assis sur cette pierre grise
Sous le vieil arbre brisé par le vent,
J’appris que l’Un seul est vivant,
Et l’humanité un fantasme sans vie.

A Meditation In Time Of War

For one throb of the artery,
While on that old grey stone I sat
Under the old wind-broken tree,
I knew that One is animate,
Mankind inanimate phantasy.

(À Suivre…)

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Best Love Rosie – Nuala O’Faolain

Sabine Wespieser Editeur
Traduit de l’anglais par Judith Roze

best_love_rosieRésumé (présentation de l’éditeur) :
Après avoir vécu et travaillé loin de chez elle, Rosie décide qu’il est temps de rentrer à Dublin, pour s’occuper de Min, la vieille tante qui l’a élevée. Ni les habitudes ni les gens n’ont changé dans ce quartier populaire où elle a grandi, et la cohabitation avec Min, que seule intéresse sa virée quotidienne au pub, n’a rien d’exaltant : en feuilletant des ouvrages de développement personnel, censés apporter des solutions au mal-être de Min, Rosie se dit qu’elle s’occuperait utilement en se lançant elle-même dans la rédaction d’un manuel destiné aux plus de cinquante ans. Sa seule relation dans l’édition vivant aux États-Unis, elle se frottera donc au marché américain. Son vieil ami Markey tente bien de lui faire comprendre que sa manière de traiter le sujet n’est pas assez « positive »… C’est au moment où elle va à New York, pour discuter de son projet, que le roman s’emballe : Min, qu’elle avait placée pour quelque temps dans une maison de retraite, fait une fugue et la rejoint à Manhattan. Très vite, les rôles s’inversent : la vieille dame est galvanisée par sa découverte de l’Amérique, elle se fait des amies, trouve du travail et un logement. Alors que Rosie est rentrée seule en Irlande, pour rien au monde Min ne voudrait renouer avec son ancienne vie. Surtout pas pour reprendre possession de la maison de son enfance… que l’armée lui restitue après l’avoir confisquée pendant la guerre. Rosie, elle, a besoin de cette confrontation avec ses origines. Profondément ancrée dans les valeurs de la vieille Europe, le passage du temps est maintenant au cœur de ses préoccupations. La lucidité de Nuala 0’Faolain, sa tendresse pour ses personnages, font merveille une fois de plus dans ce livre drôle et généreux, plein de rebondissements, où l’on suit avec jubilation souvent, le cœur noué parfois, les traversées de l’Atlantique de ces deux femmes que lie toute la complexité du sentiment maternel. De ses romans, l’auteur dit souvent qu’ils révèlent plus d’elle que ses autobiographies… Best love Rosie nous embarque aussi dans un beau voyage intérieur.

Mon avis :
Dernier livre de Nuala O’Faolain, morte à Dublin en mai 2008, Best Love Rosie est une œuvre de fiction très imprégnée de l’expérience personnelle de son auteur, assez proche en ce sens de ces deux autobiographie, On s’est déjà vu quelque part ? et J’y suis presque.
On suit Rosie à travers ses doutes, ses remises en question, sa volonté de faire quelque chose (ou de renoncer à) et ses relations avec les autres : Leo, sa dernière relation amoureuse qui a viré au fiasco, ses amies de toujours, Min, qui après avoir sacrifié sa jeunesse pour s’occuper de Rosie et veiller sur le père de celle-çi, décide de prendre sa vie en main et de réaliser les projets qu’elle avait fait sans jamais pouvoir les mettre à exécution.

S’il fallait qualifier ce roman, je pense que j’utiliserais les termes de « réalité poétique ordinaire » : les personnages sont des gens absolument ordinaires, leurs vies sont semblables à celles de tout autre irlandais(e) de leur génération, et pourtant, malgré la franchise et les thèmes abordés (le désir de plaire et les relations amoureuses mais aussi les relations avec les personnes de l’autre sexe une fois que l’on a dépassé la cinquantaine, la vision du corps qui vieillit, le célibat, etc…), on reste toujours dans une certaine émotion particulière, teintée de pudeur, de réalisme, d’humour, de contemplation et de tendresse qui n’est pas sans rappeler certains poèmes, certains regards.

Notons également le regard posé sur la société irlandaise et ses mentalités, (bien loin de l’image idéalisée voir bêtifiante que beaucoup de gens semblent avoir), sans virer au cynisme ou à l’étude de mœurs. Un roman émouvant -mais pas mièvre- et agréable à lire, même si j’ai largement préféré On s’est déjà vu quelque part ? .

Lire le premier chapitre de Best Love Rosie (.pdf) sur le site de Sabine Wespieser
Lire la chronique du livre L’histoire de Chicago May

Note du 15 juillet 2010 : Contrairement à ce que je pensais, la première édition de ce livre est bel et bien celle de Sabine Wespieser. Best Love Rosie n’est paru en Irlande qu’en mai 2009. Source.

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